Congress Keynotes

Interview avec Ariel Cohen, Président de la Société Française de Cardiologie

« Nous avons relevé avec succès le défi du congrès virtuel. Il y aura un avant et un après l’édition 2021 ! »

Les Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie rassemblent chaque début d’année pendant trois jours la communauté internationale des cardiologues francophones. L’édition 2020 aurait pu, à l’instar de nombreux autres événements, ne jamais avoir lieu. Mais grâce à un formidable travail d’équipe entre la SFC et Europa Organisation, un sens aigu de l’anticipation et un travail incroyable mené en quelques mois à peine, un événement unique, 100% digital, a rassemblé plus de 6 200 participants en janvier dernier et rencontré un tel succès qu’il a marqué un tournant stratégique pour la cellule congrès de la Société Savante : les JE ne seront plus jamais comme avant !
Ariel Cohen, Président de la SFC, nous raconte cette incroyable aventure, nous livre les secrets d’un événement digital réussi et nous parle de l’avenir.

Quand le COVID est arrivé, avez-vous rapidement réalisé que le congrès, qui se tenait 10 mois plus tard, n'aurait pas lieu en présentiel ?

Confrontés à la maladie dès mars 2020 dans nos propres établissements, nous avons effectivement rapidement commencé à nous poser des questions sur l’édition présentielle prévue pour janvier 2021 et sur laquelle nous travaillions déjà. Tout en continuant à espérer que le présentiel serait possible, nous avons rapidement décidé de développer en parallèle une version « hybride », qui pourrait éventuellement remplacer le congrès physique si celui-ci n’avait pas lieu. C’était alors une stratégie de back-up, pour parer à toutes les situations. Mais l’épidémie progressant, nous avons compris dès le mois de mai que le présentiel n’aurait pas lieu. Placés en première ligne face au virus comme soignants, nous étions suffisamment informés pour savoir des janvier 2020 qu’il n’y aurait pas de rassemblement possible. Les modèles épidémiologiques qui nous étaient présentés annonçaient déjà une deuxième et troisième vague, nous avons donc décidé de changer de stratégie et de développer un congrès 100% digital.

Quelle était votre expérience sur ce type de format ?

Aucune ! Nous allions totalement vers l’inconnu ! Nous avions conscience qu’il allait falloir réinventer totalement le programme tout en gérant l’annulation de l’événement physique mais nous n’avions, comme tout le monde, aucune expérience en la matière, et nous avions des doutes sur le résultat que nous pourrions obtenir je dois dire !

Quels choix stratégiques avez-vous du faire pour vous adapter au digital ?

Nous avons raccourci la durée des sessions. Nous avons choisi de privilégier des sessions courtes de 45 minutes, une heure au maximum. Nous avons établi le programme en juillet, l’avons finalisé en septembre et ensuite nous avons réfléchi à la façon de le diffuser. Ensemble avec Europa nous avons défini le concept de chaînes de diffusion. Nous avons lancé une chaîne LIVE pré-enregistrée modérée ; une autre chaîne totalement pré-enregistrée avec modération pré-enregistrée inclue ; et enfin une chaîne pré-enregistrée sans modération. Nous avions ainsi 3 formats différents à proposer à nos participants.

Quel rôle a été celui d'Europa à ce moment-là ? Quels étaient vos besoins en termes d'accompagnement ?

Une grande partie du travail a été de négocier les conditions d’annulation de l’évenement physique avec les différents partenaires, prestataires, mais aussi avec les orateurs invités, qu’ils participent ou non a l’événement digital. Cela n’a pas été une période simple mais nous avons privilégié une communication de qualité, nous nous sommes beaucoup investis au sein de la cellule congrès de la SFC auprès de nos partenaires industriels pour les rassurer et obtenir leur soutien dans notre nouvelle aventure. Europa nous a aidé dans des négociations stratégiques avec les prestataires, notre relation de partenariat étroit nous a permis de traverser tout cela ensemble de façon efficace.

Vous êtes alors entrés en phase d’enregistrement ?

Oui et cela a été très intense ! Nous avons créé une structure mixte de pilotage du projet ou la cellule congrès de la SFC et les chefs de projet d’Europa se réunissaient en présente du comité restreint d’organisation. Sous la direction de notre Secrétaire Scientifique, Hélène Eltchaninoff, et cela toutes les semaines en zoom. Nous avons travaillé presque 3 mois en pilotant très finement le planning pour maîtriser les retards et tenir les délais. Nous travaillions en parallèle sur la plateforme de congrès virtuel.

Quelle plateforme avez-vous choisi ?

Nous avons utilisé la solution 6connex préconisée par Europa, qui avait été utilisée avec succès par EuroPCR en mai (un congrès international de cardiologie interventionnelle). Nous l’avons personnalisée et améliorée selon nos besoins et je dois dire qu’elle a rencontré un franc succès. Le résultat était magnifique. Nous avons fait un gros travail sur les e-stands, développé une chaîne pour les 300 e-abstracts entièrement pré-enregistrés sous un format de 3 minutes chacun. Nous avons aussi créé une chaîne dédiée aux nouveautés « l’Espace Simulation ». On pouvait y enseigner sur mannequins la plupart des procédures invasives et non invasives. Nous avons également créé un espace « Cœur de métier » pour les jeunes cardiologues.

Comment s’est passé le congrès, le jour J ?

Nous étions prêts, mais nous ne savions absolument pas à quoi nous attendre ! Nous avons d’abord été étonnés du nombre d’inscrits, très proche du nombre habituel (6 800), puis les chiffres ont commencé à tomber et nous avons été réellement interloqués. 200 à 300 personnes se connectaient à chaque session, avec un temps moyen de connexion pour la journée du samedi de 7h00 par participant ! Les tchats ont été extrêmement actifs. Nous avions réparti des experts dans chaque salle virtuelle qui pouvaient interagir avec les participants et ce fût un réel succès. Au terme de l’événement, les statistiques nous ont complètement rassurés : entre 13 000 et 34 000 vues uniques de contenu, ce qui est un chiffre exceptionnel. Plus de 5 300 participants ont visité les e-stands, là aussi un chiffre record.

Votre plateforme en ligne, cardio-online, a-t-elle joué un rôle dans ce succès ?

C’est évident. Nous avons la chance d’avoir depuis plusieurs années une plateforme communautaire riche et dynamique qui a totalement pris son envol depuis l’an dernier. Nous avons totalement intégré cardio-online dans la stratégie du congrès digital. Europa y publiait les contenus immédiatement après diffusion et pour une durée d’un mois. Nous avons également créé un journal télévisé quotidien pendant le congrès. D’une durée de 30 min, les experts de la SFC et les membres de la communauté y intervenaient pour discuter de l’actualité des Journées Européennes. Nous avons eu jusqu’à 500 vues en direct et dépassé les 1000 sur youtube : un franc succès là aussi.

Quels sont vos projets pour l’édition 2022 ?

Au vu des résultats, nous avons compris qu’il y aurait un avant et un après les JE-SFC 2021. Le format des sessions courtes a été plébiscité par nos cardiologues, nous permettant de favoriser des discussions plus longues et plus riches. Cela change notre façon de concevoir un programme. De plus, nous ne pouvons garantir que nous pourrons nous réunir physiquement en janvier 2022. Nous avons donc choisi de bâtir un programme présentiel composé de sessions courtes, et d’y adjoindre une journée entièrement digitale.

Une façon de chercher à associer le meilleur des deux formats ?

Exactement. Tout le monde souhaite revenir au présentiel, c’est une évidence, car rien ne peut remplacer la qualité des échanges en face à face. Mais en cas d’impossibilité de nous réunir, nous pourrons plus facilement transposer le programme en digital, nous serons plus efficaces. De plus, la journée 100% digitale que nous rajoutons nous permettra quoi qu’il arrive de toucher une audience plus large, qu’elle se soit ou non déplacée à Paris les deux premiers jours.

Ce programme est différent du reste ?

Effectivement ! Nous innovons en proposant des sessions transversales cette fois, inter-disciplinaires, rassemblant des experts de différentes sensibilités autour d’une problématique commune.

Que retiendrez-vous de cette aventure ?

Notre sens de l’anticipation, notre force de travail et notre partenariat étroit et solide avec Europa nous a permis de relever ce défi avec succès. Cela nous encourage à continuer dans cette voie, à poursuivre l’aventure du digital, car nous pensons que les formats des congrès vont durablement évoluer, qu’ils seront à l’avenir le fruit d’un heureux mariage entre une partie présentielle et une partie distancielle qui présente de nombreux avantages, pour tous. Nous pourrions imaginer par exemple des RDV digitaux en cours d’année, qui permettraient un renouvellement plus rapide des échanges et donc de la connaissance.

Pour conclure, quels sont selon vous les facteurs clefs du succès d’un congrès digital ?

Pour moi ils sont au nombre de six.

  1. Il faut tout d’abord que le programme soit parfaitement adapté au digital, tel le format de présentation court avec des temps longs de discussion que nous avons choisi. Il est important de choisir des orateurs et des modérateurs de qualité qui sauront être synthétiques.
  2. Les aspects logistiques sont également très importants. Il faut arriver à restituer dans un format enregistré tout le sel d’une présentation physique. Cela demande un vrai travail de préparation des supports qui doivent être lisibles et didactiques. Il est important d’accompagner les orateurs dans cette évolution.
  3. La qualité technique du studio d’enregistrement est également clef. La possibilité d’avoir deux ou trois studios en simultané est un vrai plus.
  4. Il faut aussi être capable de faire évoluer les modalités de collaboration avec les partenaires industriels. Leur offrir des e-stands adaptés à leur communication, des temps d’échange prolongés avec les participants.
  5. La restitution des contenus post-congrès est également cruciale. Cardio-online a été un canal stratégique pour permettre le rayonnement de l’événement au-delà des trois jours.
  6. Enfin, la qualité de l’accompagnement du PCO auprès de la Société Savante est indispensable. Tant au niveau de la coordination du programme, que dans les négociations avec les partenaires ou encore la valorisation de l’événement sous toutes ses formes, les choix techniques, la stratégie de communication : tous ces aspects doivent se construire main dans la main pour garantir le succès de l’événement.

Je voudrais insister sur le fait que si nous avons atteint un tel résultat, c’est grâce à un process de co-construction avec Europa Organisation qui s’est bâti à chaque étape du projet. En somme une formidable aventure humaine qui nous a permis de surmonter toutes les difficultés d’une première de cette envergure.